Village de Sidi bou Said en Tunisie

Tunisie : la créativité entre histoire millénaire et élan libertaire

Fermez les yeux et imaginez. Devant vous, une mer bleue à perte de vue. Soudain là-haut, perché sur une falaise, se dresse un village qui domine la mer. Ses maisons d’une blancheur éclatante sont habillées de portes aux couleurs bleues de la Méditerranée. Un sentiment de paix vous envahit à mesure que l’odeur du jasmin vous enveloppe. Vous pensez être à Santorin ?

Raté. Nous sommes en Tunisie, dans le village au charme intemporel de Sidi Bou Saïd. Derrière les portes de ces maisons blanches, se cachent d’ailleurs les ateliers, boutiques ou maisons de nombreux artistes et designers. C’est le cas, par exemple, du grand couturier Azzedine Alaïa dont la demeure fut transformée en galerie d’art après sa mort. Surprenant ? Certainement, car lorsque l’on jette un regard attentif sur la Tunisie, on ne cesse d’être surpris. C’est pourquoi aujourd’hui, nous avons décidé de vous faire voyager à la découverte de ce petit pays où, aspirations libertaires, savoir-faire ancestral et créativité inédite se rencontrent.

Petit pays aux grandes aspirations

Carthaginois, romains, arabes, berbères, andalous, ottomans… la Tunisie c’est ce pays dans lequel chaque peuple a laissé une trace qui a perduré au fil des siècles. Ce carrefour des civilisations se démarque aussi par sa modernité, héritée des grandes réformes de son histoire. Dès la fin des années 50 par exemple, les femmes tunisiennes se sont vues attribuer des droits fondamentaux rares dans les pays musulmans (droit de vote, droit au divorce, droit à l’avortement etc.). À la même période, l’éducation pour tous a été rendue obligatoire.

Des décennies plus tard, le petit pays se démarque à nouveau. En effet, il y a tout juste une dizaine d’années, les rues de Tunis vibraient dans un moment d’union collective inédit. Les tunisiens se soulevaient alors contre la dictature et pour la démocratie. Aujourd’hui encore, l’élan de liberté d’il y a 10 ans, marque la créativité d’une jeunesse qui a soif d’expression. La mode, la musique et l’art ne cessent de fleurir dans cette jeune démocratie toujours en quête de plus de liberté, de justice et d’égalité.

Préserver et renforcer ces différents acquis historiques est une priorité pour le pays. Et dans ce contexte, les artisans et créateurs ne font pas exception. C’est tantôt dans la tradition, tantôt dans la rupture et, parfois dans la rencontre des deux, que s’inscrit désormais la créativité tunisienne.

Petits pays aux nombreux savoir-faire et traditions

Lorsque l’on déambule dans les ruelles du souk de Tunis, on ne peut qu’être frappé par la variété des couleurs et matières affichées aux vitrines des échoppes. Les fibres végétales, le cuir, le cuivre ou l’argent massif sont déclinés en sacs, bijoux et décorations en tout genre. Ce haut lieu du centre-ville de Tunis rassemble en effet l’ensemble des savoir-faire (parfois ancestraux), des différentes régions du pays.

On y retrouve ainsi des étals recouverts de bracelets berbères faits sur-mesure, et parfois à la minute. On tombe aussi sur des couffins (koffa), fabriqués à la main à partir de nattes de jonc. D’origine berbère et vieux de plusieurs siècles, ce “sac” est aussi pratique, qu’esthétique et écologique ! Un peu plus loin, on y admire le détail du tissage du kilim et du margoum tunisiens. Ces tapis faits à partir de laine de mouton ou de coton, affichent souvent des motifs de losanges, symbole de fertilité pour les berbères. Au coin d’une allée, on se retrouve éblouit par un arc-en-ciel de babouche en cuir ou en tissus brodés à la main. Le plus dur… c’est de choisir !Babouche tunisienne de toutes les couleurs - Label AÉ Paris

Il faut s’enfoncer encore dans les ruelles de la médina pour tomber sur le souk des étoffes (souk al khmach). Celui-ci a été fondé au 15ème siècle par un souverain hafside. Sous son règne, l’industrie du tissage se développe en s’appuyant sur des savoir-faire remontant à l’antiquité. Le souk des étoffes a ensuite perduré au fil des siècles, nourri par la richesse des tenues traditionnelles tunisiennes (djellabas, sarouel, burnous etc.). On y retrouve ainsi de la laine et de la soie tissées, de la dentelle délicatement brodée ou encore du tulle orné de fils argentés ou dorés.

C’est d’ailleurs dans ce coin de la médina que Azzedine Alaïa, l’un des génies de la haute couture, a fait ses premiers pas de couturier. L’esthétique inimitable de ses créations a sans aucun doute été inspirée de l’histoire et des nombreux savoir-faire tunisiens. On pense, par exemple, à l’unique sens du détail de ses broderies qui font écho à ses premiers pas dans la médina. Ou encore, au drapé de ses robes qui rappelle les tenues portées par les statues antiques de Carthage.

Azzedine Alaïa n’est toutefois pas le seul à avoir trouvé son inspiration dans l’histoire récente et ancienne du pays. La créativité ne cesse de se développer dans une Tunisie où l’on savoure et préserve une liberté d’expression récemment retrouvée.

Une créativité soluble dans la révolution et la tradition

« Culture libre ! » lit-on sur l’un des nombreux graffitis qui recouvrent désormais les murs du pays. Il est vrai que les années passent, et elles ne cessent de dévoiler des Tunisiens expressifs et créatifs, qui découvrent et redécouvrent la liberté, toutes les libertés. Et cette liberté se retrouve aussi sur les podiums et dans les ateliers de créateurs. Aucune censure vestimentaire n’arrête désormais les designers tunisiens !

Certains se font connaître sur le marché de la haute couture, à l’image d’Ali Karoui dont les créations sont portées par des célébrités au Festival de Cannes. D’autres cherchent à casser les codes comme le très prometteur Braim Klei qui propose des collections modernes et éloignées du traditionnel revisité.

Mais pour beaucoup, l’intemporalité de la mode se retrouve aussi dans la valorisation du patrimoine. C’est le cas de la talentueuse Anissa Aïda. Se confiant au label AÉ elle déclare “Mettre en avant l’artisanat et les techniques traditionnelles tunisiennes reste parmi mes priorités.” Pour ce faire, elle utilise les méthodes ancestrales des différentes régions du pays comme le tissage de la soie, du lin et du coton. Le résultat : des collections épurées et sophistiquées, aux lignes à la croisée des chemins entre Maghreb et Japon !

Summer day in Tunis - Combinaison blanche - Créatrice de mode : Anissa Aïda - Label AÉ Paris

Vous l’aurez compris, l’esprit créatif est en plein boom en Tunisie. Et dans ce contexte, la mode fait son grand retour en s’inscrivant à la croisée des chemins entre préservation du patrimoine, émancipation et modernité. Alors un conseil : gardez un oeil sur la Tunisie.

Yosra Aribi

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